lundi 14 décembre 2015

Départ pour la traversée!

Portside Marina, à Morehead City
Morehead City
Après un mois d'attente, nous avons une fenêtre météo.  Benoît Villeneuve a confirmé à Nycole que ce serait faisable; 2 jours de moteur pour traverser le gulfstream, puis descente vers les îles.  On se décide rapidement: nous partirons le 28 vers 10h.  On s'arrête juste pour ''Topper le fuel'' avec 42 gallons supplémentaires.  À moins de 2$ le gallon, on se met pas dans la rue!
Mia,Karine,Bernard, Victor et Alain.





















Le premier 24h se passe bien.  Une fois sortis on suit les bouées jusqu'à la pointe de Cape Lookout. La nuit arrivant, le thermomètre du sondeur nous indique qu'on est entré dans le gulfstream.  La température de l'eau passe de 65F à 81.9F.  L'air devient chaud et humide et la nuit se passe bien, au moteur car il n'y a pas de vent, tel que prévu.  Sans voiles, le bateau gite fortement dans les vagues de 1-2 mètres de haut et les enfants sont pris du mal de mer.

Le 29 est semblable.  On est sortis du gulfstream au matin mais les vagues demeurent de 2 mètres. Seul Alain et moi mangerons au souper, Karine et les enfants ont trop mal au coeur.  Alain et moi ferons les quarts de nuit pendant que Karine essait de récupérer.  On fait des quarts de 2h chacun. La lune se lève tard et ce sera une nuit d'encre de 17h à 22h.  On n'y voit ni les vagues, ni rien d'autres, sauf le plancton luminescent dans les vagues du bateau.

Le 30 au  matin, la situation est stable et on continue vers l'est, car c'est là que doivent  être les Alizés.  Toujours au moteur jusqu'en pm, le vent du nord se lève, à 10 noeuds.  Ça nous permet de faire de l'Est, mais la houle de travers rend la vie à bord difficile pour ceux en bas.  Les enfants sont encore malades.  On rencontre des dauphins qui viennent s'amuser près de nous.  Une belle rencontre!


Il fait chaud dans le bateau avec le moteur qui roule en permanence depuis 3 jours. Il est impossible de communiquer avec le réseau du Capitaine directement mais un radio-amateur nous offre de faire le relais: VA2WQC.  Un gros merci pour ce coup de main.  André Laflèche est aussi d'une aide précieuse et nous envoie deux fois par jour un résumé de la météo à venir sur la balise InReach qui fonctionne par satellite.  Par contre, les courts messages de 160 carractères limitent un peu les explications.  Le mal de mer affecte maintenant tout l'équipage: mal de tête, nausées, inappérence et fatigue nous touchent tous à divers degrés.  Alain est celui qui semble le moins souffrir.  Karine et les enfants sont les plus touchés.

La nuit demeure d'encre mais une lumière vive éclaire le ciel: Vénus est au rendez-vous, elle.  La lune brille surtout par son absence!

Le 1er décembre,  on fait cap au Sud car une dépression arrivera au nord du 32N.  Touours au moteur car on n'arrive pas à bouger assez vite juste avec les voiles.  On tente de fermer le moteur à 22h, GV et Génois pleins, mais la vitesse tombe à 3 noeuds.  C'est insuffisant et on remet donc le moteur.   Il fait chaud dans le bateau et il commence à se dégager une odeur de bois brûlé, créé par l'humidité.  On ne peut pas ouvrir les écoutilles car il y rentrerait des embruns.  Ça n'aide pas au confort.  Les enfants sont encore malades.

Le 2 décembre:  Pluie intense au lever.  Alain se fait détremper.  La mer commence à monter avec des creux jusqu'à 10 pieds.  La vague est désordonnée et on gite beaucoup. En pm, le vent forci et on roule sous trinquette ( petite voile d'avant, environ 1/3 de la grandeur du genois) sur étai largable.  Tout le monde est dehors car les mouvements dans le bateau sont trop violents.  On met l'artimont et Blackcat avance à 5.5 noeuds vers l'Est. Les enfants sont encore malades.  On tente de les hydrater du mieux qu'on peut, mais ils ne gardent rien... ça commence à être inqiétant.  Je force Mia à boire car elle n'a pas uriné depuis 24h...

Le 3 décembre.  Les vents sont toujours de travers et on roule toujours vers l'Est.  On ne mange pas car personne ne tolère d'aller faire la cuisine.  Les enfants tolèrent des sacs de jus qu'on sort pour eux. Ils restent couchés dans le lit 24h/24 car la position debout ou assise augment le mal de mer.  En soirée, le pilote automatique cesse de fonctionner subitement.  Une inspection sommaire ne révèle rien de particulier, mais la barre à roue semble plus dure qu'à l'habitude.  Depuis notre départ, c'est lui qui garde le cap en permanence.  La nuit surtout il est indispensable, car barrer au compas demande énormément de vigilence, surtout par un ciel sombre sans lune et sans étoiles.  J'ai peur qu'on se retrouve avec un bateau indirigeable car la barre hydraulique est relié au pilote.  Je prend la décision en soirée de faire route vers les Bermudes au Nord-Est.  On doit faire des quarts d'une heure la nuit.  On se couche donc pour 2 heures et on dort donc peu.  Le temps de s'endormir après son quart et c'est le temps de se relever!

Au matin, le 4 décembre,  Nycole, Denis et André nous informent qu'on ne pourra pas rejoindre les Bermudes sans passer au travers d'une forte dépression.  Bref, il faut oublier les Bermudes et aller au sud.  On met toutes voiles et on descend vers le Sud.  L'équipage demeure faible du fait de ne pas dormir bien ( 1-3 heures de sommeil par nuit) et de manger peu.  Le jour est plus facile mais les nuits sont longues à barrer en permanence.

5 décembre. La nuit a été horrible et au matin, les vents sont du n'importe quoi, n'importe ou.  On décide de mettre le bateau à la Cape pour se reposer un peu et attendre que le vent prenne une certaine direction. À 8h, j'écoute le réseau du capitaine sur la radio, couché dans le salon.  Soudain, Bang!   Une vague déferlante nous frappe sur le flanc et renverse le bateau à 90 degrés. Je vois la mer par les fenêtre du salon! L'eau est au niveau des hublots sur le toit du pilothouse!  L'eau envahit le bateau, les livres de la bibliothèque sont transformés en projectiles.  Tout le monde étant couché, personne ne se faire blesser.  Quand le bateau se redresse après quelques secondes, c'est le désordre dans le bateau: tout est à l'envers.  Une manche à air a été arrachée dehors. Un wiper crochi.  Le zodiac tient en équilibre sur un chandelier ( qui a crochit) et menace de passer par-dessus bord.  Des cordages sont passés par-dessus bord et on a perdu une chaudière et  je ne sais quoi d'autre.  L'eau est entrée par les boîtes de dorade, sensé prévenir l'eau de rentrer ( ok, mais pas quand elles sont submergées!)
Pas le temps de niaiser!  Alain et moi sortons pour rattraper le Zodiac et ramasser la trinquette.  On part le moteur et je n'attend pas la prochaine déferlante.  Les vagues et le vent montent à une vitesse folle.  À 10h30, les vagues sont devenues monstrueuses: 30 pieds.  Le bateau part au surf dessus.  J'ai l'impression de descendre une pente de ski.  je  met mes lunettes de ski d'ailleurs car avec la pluie, ça pincerait trop les yeux.  Ma GoPro n'a plus de batterie et ça m'attriste car personne ne croira jamais ce que je vois.  Les vagues sont plus hautes que mon bateau est long.  Elles déferlent.  Je crois voir une baleine, verticalement dans la vague, mais je n'en suis pas certain.  Un conteneur, sinon?

Après quelques heures de ce sport intense, Karine vient prendre la barre à roue.  Je suis épuisé, mais l'adrénaline a fait fuir le mal de mer.  André Laflèche nous indique la route à prendre pour se sortir de la dépression.  À quelques kilomètres sur babord, j'observe des nuages qui tournent en rond, comme dans une tornade.  J'ai peur à la nuit qui s'en vient.  Si on peut barrer dans la tempête de jour, sans lune et sans étoiles cette nuit ce sera impossible.

Heureusement, vers 16h, on s'est sortis du gros de la tempête qui elle est maintenant plus à l'Ouest.  La nuit sera assez calme en comparaison de la journée.  Nycole Gaudreault, du réseau, nous communique la météo avec Denis, du voilier Prana.  Nycole a d'ailleurs ouvert une plan d'aide auprès de la Coast Guard Américaine et nous demande ce dont on aurait besoin.  Comme on a encore beaucoup de nourriture et d'eau, la seule chose qui pourrait nous aider serait un pilote automatique et du fuel.  Nycole commence donc à faire des démarches pour que l'on puisse obtenir du fuel et elle nous avise qu'un navire de guerre américain pourrait venir nous donner un peu de diesel.

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