jeudi 16 juin 2016

Retour à Jamestown, Rhode Island (et quelques mésaventures!)

Le 10 juin, nous quittons Hampton en Virginie en compagnie de ''Nati'' (catamaran 38' avec Dick et Anne) et le voilier ''Marée Filante'', voilier autoconstruit par Ghislain et Denise.  On passe devant Norfolk dans la baie de Chesapeake.  Il y a de l'eau partout, mais un pont-tunnel nous oblige à passer dans un canal relativement étroit.  À cet endroit, on entend qu'un sous-marin se présente dans la passe et qu'on doit l'écarter de 500 yards.  On le voit un peu à la dernière minute et on réussit à se tasser de devant son chemin.  Des petites vedettes bien armées tournent autour pour s'assurer qu'on a bien pigé le message...


Une fois sortis de la baie de Chesapeake, on longe la côte Est de la Virginie.  Nous sommes partis 3 bateaux ensemble, en s'échangeant de l'information sur la météo.  On écoute la radio amateur longue portée ( Chris Parker sur 8137mhz) pour avoir une idée des conditions à venir.  Chris est la référence aux USA pour la météo et il prédit des conditions potentiellement difficiles avant qu'on puisse rejoindre New York.  Le vent est variable et on doit se fier au moteur pour avancer.  On garde quand même la grand-voile et parfois le génois aussi.  De cette manière on profite des risées de vent qui nous donnent de la vitesse.

En fin d'après-midi, nous sommes appelés sur la VHF par Jean Parratte et Marie-Annick Thabaud, nos vieux copains (et anciens copropriétaires de Entre-Amis, notre Tanzer 29).  Jean et Marie-Annick se sont engagés comme équipiers sur un voilier qu'ils remontent de Nassau jusqu'au lac Champlain.  Je dois dire que l'émotion est intense quand je l'entend à la radio, car ça fait très longtemps qu'on ne s'est pas vus.  Nous savions l'un et l'autre que nous serions sur la côte Est en même temps.  Mais c'est quand même une sacrée chance que de pouvoir se parler comme ça en pleine mer!  Et puis on est soulagés aussi, car quelques jours après leur départ de Nassau une dépression tropicale (collin) passait sur leur chemin et on craignait qu'ils aient eu des problèmes.  On n'aura pas eu la chance de se voir, mais au moins on s'est parlé.

La nuit arrive et on roule toujours.  On s'est donnés plusieurs points pour entrer se cacher si les conditions forcissent.  Heureusement, le temps reste calme.  On aura fait 145 miles en 24h.

Le 11 juin, on est toujours au moteur et nous sommes à 5-6 miles au large de Maryland, puis du Delaware.  On passe Cape May,NJ.  C'était notre point de chute si on faisait seulement 24h en mer.  Jean et Marie-Annick, sur Orion, décident de poursuivre.  Nati et Marée-Filante, avec qui on échange encore des informations, décident eux aussi de pousser jusqu'à NY.  Chris Parker a réduit ses prévisions d'orages et de vents violents. On rencontre quelques dauphins. Durant la journée, le vent forcit quand même jusqu'à 20-25 noeuds et la vague à 5-6 pieds.  Heureusement, vent et vagues sont dans notre dos, donc ils nous poussent rapidement.  On fait du 6.5-8 noeuds.  À cette vitesse, on passe rapidement la côte du New Jersey, pourtant très longue.  On arrive donc de nuit à New-York.   On ne veut pas arriver dans une marina de nuit et on se contente de l'ancrage de Sandy Hook juste en face de NY.  On jette l'ancre à 04h45 au fond de la baie.  Les enfants, eux, ont dormi toute la nuit et sont debout à 7h. Ça nous fait une très petite nuit...

Le lendemain, il vente jusqu'à 33 noeuds.  Traverser NY dans ces conditions ne nous tente pas vraiment et on prend un mooring à la marina Atlantic Highland.  Bon, c'est 50$ pour le mooring, un des plus chers du voyage ( si j'exclus les 80$ à Jamestown....) mais au moins on est protégés par le breakwater car il y a quand même une bonne vague dans la baie et c'était inconfortable.  On y rencontre pour une dernière fois Marée Filante qui sont passés faire le plein de sommeil puis de diesel.  Ils repartent vers le Québec en remontant la Hudson.
Au large de la côte Est du Maryland


Marée Filante, bâtie de teak et d'acajou. Une beauté!
Je dois dire que Marée Filante m'impressionne.  Ghislain l'a construite en teak et en acajou, selon la méthode traditionnelle.  Longue de 30 pieds, elle a suivi Black Cat (ok, pas le plus rapide!) mais aussi Orion ( un Jeanneau 40' très rapide ). Elle a fait sensiblement les mêmes journées que nous, soit 014-150 miles par 24h, ce que je trouve excellent, d'autant plus pour un voilier de 30'.


On a un choix à faire pour la suite: passer par le Long Island Sound, la mer intérieure entre le Connecticut et l'île du Long Island.  Ou sinon, passer par la mer.  Du côté du Long Island Sound, il faut passer par le Hell's Gate et son traffic. De plus, il faut attendre le courant de marée montante, qui est à 11h45.    Sinon, passer par la mer et faire une nuit de plus, mais arriver plus vite.  

Le 13 juin, le vent se calme finalement après avoir soufflé à 20-30 noeuds durant la nuit.  On quitte Sandy Hook à 13h30.  On annonce des vents du Nord à 12-15 noeuds, forcissant demain à 18.  Ça nous convient, car on longera la côte sud du Long Island.  On sera donc protégés des vagues et il peut venter pas mal avant que ce soit un problème.  Les enfants en ont assez et préfèreraient passer par le sound, mais on en décide autrement.

En soirée, le vent s'est vraiment levé et on a des risées à 25 et même 30 noeuds.  On roule avec l'artimon et le génois, roulé à 50%.  Même avec si peu de toile, Blackcat accroche les 7 à 8 noeuds de vitesse.  C'est un peu stressant et la nuit tombe avec ces conditions.  La vague demeure faible car on colle la côte autant qu'on peut sans risquer de se planter sur une roche...

Traffic maritime à NY. 

Notre dernier coucher de soleil en mer.  Il fait froid!
Autre réalité: le vent est froid et la mer aussi.  L'eau est passée de 87F aux Abacos à 58F à NY.  On a ressorti  nos tuques, nos gants et nos polars.  Même avec toutes les couches possibles, on n'arrive pas à être confortable et au chaud.  Et avec ce vent en plus...

Vers 5h du matin, il vente encore dans les 20 noeuds et on file à plus de 7 noeuds sous voile.  So much for the GRIB files! Karine est à la barre et je dors sur la banquette dans le salon, calé entre le dossier et une toile antirulis.  Karine entend un ''BADANG'' mais ne peut pas dire ce que c'est.  Elle lâche la barre et va voir derrière le bateau pour vérifier s'il y a quelquechose qui cloche.  Rien.  On a 90' d'eau sous la coque, alors on a pas accroché une roche.  On continue à voile.

Deux heures plus tard, c'est mon tour de veille, le vent se calme et on continue sous voile.  Quand Karine se lève, on met le moteur, mais il fait un drôle de bruit.  Karine me dit: ''on dirait que le moteur ne pousse pas''.  J'essaye me mettre le moteur de reculon, mais je n'entend pas l'hélice se déplier.  Dans la salle des moteurs, tout semble normal.  

On arrive donc à l'île de Block Island sous voile. Le vent tombe complètement.  On affale toutes les voiles et je met 2 wetsuits d'épais ( l'eau est à 58F et l'air est frette. Pas froid, Frette!)
Une très brève plongée me montre que l'hélice a complètement déserté le bateau!  Il ne reste que le shaft, tout nu!  C'était donc ça le bruit durant la nuit.  Bizarre que l'hélice soit partie quand on était à la voile, car une fois les pales repliées, elle n'accroche vraiment pas.  La seule hypothèse est que l'on ait accroché un filet de pêche ( il y en a des centaines sur cette route) et que le filet ait arraché l'hélice.

Bon, c'est pas finit!  On doit maintenant rentrer à Jamestown sans moteur.  J'appelle la marina qui nous dit qu'on nous aidera pour le mooring.  On a vu des centaines de voiliers rentrer à Newport à voile et on sait que ça se fait.  Mais il y a du courrant, il y a des cargos et on doit arriver pile sur notre mooring. Le vent a faibli, maintenant il est de 7-12 noeuds, tout juste assez pour qu'on soit manoeuvrants.  Et il faut arriver avant la renverse de la marée à 17h...

À 16h,  le Goodwood, un cargo qui transporte des voitures, une laideur d'architecture navale, annonce qu'il va passer dans le chenal en face de Newport.  On arrive à peine à manoeuvrer avec si peu de vent, mais on arrive à coller les bouées vertes.  Un bateau pilote viens s'assurer qu'on aurait pas la mauvaise idée de passer devant le Goodwood (200m de long...).  Tout se passe bien, heureusement.


Car Carrier Goodwood


  On arrive à 16h30 à notre mooring ( le même qu'à notre départ).  Garry Clark nous accueille avec le Zodiac, mais je dois dire qu'on a fait la manoeuvre à la perfection et qu'on est arrivé pile-poil sur la boule de mooring.  On affale les voiles.  Les enfants sont fous de joie d'être rentrés à bon port.  Nous, on n'en croit pas nos yeux.  On voulait partir à l'aventure, mais on en a eu pour notre argent!  3000 miles de parcourus en 8 mois.  Des dizaines d'îles, de plages.  Des rencontres avec des gens merveilleux, plusieurs qui sont devenus nos amis.  Des milliers d'images en tête, des souvenirs pour le reste de nos jours.  On peut dire mission accomplie.  On peut dire qu'on a jamais laissé tombé notre rêve, même s'il a fallu modifier nos plans.  Quelle belle année on a passé!



Remarquez la beauté du dessin dans le spi

Newport, une ville de voile

Maintenant, c'est le temps de revenir à nos moutons.  On doit vendre Blackcat, puis retourner à Verdun dans notre maison.  Heureusement, William Tuthill, qui habite près de la marina, avait gardé notre vieille Jetta pour nous.  Les souris ont fait des nids dans le moteur, mais elle a démarré.  Une petite inspection chez un mécano VW devrait nous permettre de revenir au Québec sans trop d'aventures ( quoi qu'avec une voiture de 13 ans... pis notre chance habituelle... On verra!).



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